Les Indes galantes

Nombril du continent Poumon léger du monde et poussière douce au pied Cette route a beaucoup pour elle dans tous les axes de la boussole c’est l’espace et l’éternité savanes couleur de cuir vautours en rond dans le ciel cannelle villages verts autour d’une flaque dieux érectiles couverts de minium et de papier d’argent cités croulantes, tarabiscotées et regards qui croisent le tien jusqu'à l’écœurement Tu te pousses à petite allure un mois passe comme rien tu consultes la carte pour voir où t’a mené la dérive du voyage deltas vert pâle comme des paumes ouvertes plissements bruns des hauts plateaux les petits cigares noués d’un fil rouge ne coûtent que cinq annas la botte où irons-nous demain ? A la gare de bezwada tu as dormi sur un banc tu sentais dans tes reins le poids de la journée des quatre coins de la nuit les locomotives arrivaient en meuglant comme des navires paraphe de nacre sur les eucalyptus La lune montante était si pleine et la vie devenue si fine qu’il n’était ce soir-là plus d’autre perfection que dans la mort Solarpur, Inde centrale Genève, 1978 Tiré de “Le dehors et le dedans” Pour ceux et celles qui ont la chance d’avoir encore à découvrir Nicolas Bouvier, L’usage du Monde est sans doute l’un des bouquins incontournables de la litterature de voyage dont Bouvier est une des grandes figures. Le recueil de poésie dont est tiré le texte ci-dessus vient lui d’etre réédité chez Point.